En vue de réduire le prix de construction, les sujétions d'entretien, la fatigue de la partie motrice et la consommation de combustible la solution « transmission mécanique » pour les fortes puissances n'a pas dit son dernier mot. La simplicité du dispositif décrit paraît le mettre à l'abri d'avaries coûteuses puisqu'il fait appel uniquement à une combinaison de pignons classique que l'on peut surdimensionner pour pouvoir transmettre des puissances très importantes avec un taux de travail faible.
Les différentes justifications
- A - Pour arrêter rapidement les organes de la boîte de vitesses il y a intérêt à réduire au maximum leurs moments d'inertie. Dans ce domaine on ne connaît plus d'impératifs dus au dimensionnement des « synchros » qui déterminaient les dimensions des pignons à craboter, leurs module, nombre de dents, entraxes, etc... Il devient de ce fait facile de réduire notablement ces moments d'inertie à tel point qu'il est possible de construire une boîte passant 500 ch, possédant 8 vitesses, dont le PDest égal à celui des boîtes de 250 ch synchronisées à 6 vitesses.
- B - Le frein doit être calculé pour supporter, sans risque d'échauffement ni d'usure, le travail correspondant à la combinaison de vitesse la plus élevée, car c'est pour cette combinaison que l'énergie à absorber est maxima à cause des vitesses de rotation plus grandes des arbres intermédiaires et de sortie de la boîte. Si une locomotive comporte N vitesses, la n{suli}ième {/suli}vitesse n'est passée qu'une fols sur 2 N changements de vitesses.
- Si le frein est calculé pour la N{suli}ième{/suli} vitesse, a fortiori pour les (N-1) autres vitesses il ne supportera qu'une fraction de sa capacité.
- C - Soit une boîte de vitesses dont l'arbre primaire est immobilisé, le crabotage d'un pignon est facilité par un déplacement angulaire de l'arbre de sortie : on taille les entrées de crabots convenablement de manière à provoquer cette rotation dans le sens favorable, quelle que soit la nouvelle combinaison, la traînée de la roue libre facilitant le passage des vitesses lorsque le véhicule est en marche.
- D - L'embrayage a son rôle réduit à relancer la boîte ce qui lui est facile puisque pour la relancer en une seconde il suffit environ du 1/4 du couple moteur. Il ne peut, en aucun cas, être soumis à un couple supérieur à celui du moteur. Un tel supplément de couple ne pourrait provenir que :
- E - Il est facile de remarquer qu'un changement de vitesses ainsi conçu s'accompagne d'une certaine absorption de travail.
Calcul de la puissance moyenne
Voyons par un rapide calcul quelle est la puissance moyenne absorbée par le procédé « Asynchro ». Pour ce faire, nous considérons la boîte 8 vitesses « Asynchro » d'une puissance de 500 600 ch, et nous allons supposer un régime continu de changements de vitesses à raison d'un changement par minute en passant toute la gamme de la 1ère à la 8°, et en rétrogradant de 8e en première sans interruption. Ce travail dépasse largement celui d'une utilisation pratique.
Nous avons fait ces calculs pour la boîte 8 vitesses (fig. 3) en supposant que l'on applique un couple de freinage à l'entrée tournant à I 500 tours (ce cas correspond au passage à la vitesse supérieure) pour que la boîte soit stoppée en 1 sec, 5.
On voit qu'il faut appliquer en :
Ie vitesse un couple | Cf1 = 3,5 m kg |
2e» | Cf2 = 5, - m kg |
3e» | Cf3 = 6, - m kg |
4e» | Cf4 = 7,5 m kg |
5e» | Cf5 = 8,5 m kg |
6e» | Cf6= 14,5 m kg |
7e» | Cf7= 17, - m kg |
8e» | Cf8= 31, - m kg |
L'embrayage-frein de plus nécessite pour l'arrêter lui-même un couple de freinage Cff= 1,8 m/kg.
Le travail d'un couple étant égal à T = 2 ? n C, et la vitesse passant de 25 t/sec à 0 en 1 sec,5 le freinage s'effectue sur I/2 (25 x 1,5) soit 18,75 tours
d'où Tkgm = 116 Cm/kg
La somme des travaux pour la montée des vitesses est donc
égale à ?T =116 (Cf1+ Cf2 + ... + Cf7) + 116 (7 x Cff)
?T = 8 650 kgm
Un calcul analogue pour la descente des vitesses donne 5 930 kgm
A raison d'un changement par minute le cycle complet dure 14 minutes, soit un travail T = 8 650 kgm + 5 930 kgm = 14 580 kgm qui correspondent à une puissance moyenne absorbée
T
P= / t = 14 minutes
t
d'où en ch P= 14 580/(75 x 60 x 14) = 0,231 ch
La perte de puissance n'atteint donc pas 1/4 de cheval.
Un autre chiffre plus parlant :
Supposons que le frein soit entièrement calorifuge, et que sa valeur en eau soit 1 calorie (équivalente à 1 litre d'eau) ; au bout de 14 minutes la température aura augmenté de 34,3 degrés centigrades.
Supposons encore un cas extrême, où l'on passe de 7e en 8e, et de 8e en 7e, chaque minute ; par un calcul similaire on trouve une puissance moyenne consommée égale à
P2 = 0,45 ch
Ces chiffres sont à comparer à la puissance perdue dans un transformateur de couple hydraulique qui dans les meilleurs conditions n'a que 84 % de rendement.
La perte de puissance pour un moteur de 500 à 600 ch est donc de 80 à 100 ch.
Quant aux transmissions électriques, leur rendement n'étant pas meilleur, les pertes de puissance sont du même ordre.
Il conviendrait donc d'établir pour les locomotives diesel une règle pour indiquer leur puissance :
- Pour les locomotives électriques la puissance nominale est la puissance sur l'arbre des moteurs électriques qui est très voisine de la puissance à la jante.
- Pour les locomotives diesel on a, à tort à notre avis, défini leur puissance par celle du réglage des moteurs diesel. Cette habitude a pour effet de passer sous silence les auxiliaires, le rendement de la transmission ou l'incapacité de cette dernière à utiliser dans tous les cas la puissance nominale du moteur, comme on vient de le voir, pour la transmission mécanique.
Cette façon de faire est trompeuse puisque seule la puissance à la jante est intéressante.
Il serait donc souhaitable de définir la puissance d'une locomotive diesel par sa puissance moyenne à la jante à la vitesse minimum de régime continu et à la vitesse maximum.
Les courbes de la figure 5 montrent que cette définition équitable donne pour la transmission mécanique un avantage de plus de 10%.
L'usure du frein
Le frein est multidisque et fonctionne soit à sec, soit dans l'huile. Convenablement calculé, il ne craint pas d'échauffements, ce qui lui donne de grandes qualités de durée. En effet, pour ces garnitures du type « fritté » le constructeur admet une usure de 1/2 mm en épaisseur pour 20 Millions de kgm par dm2.
Supposons que l'on freine à la cadence de I coup minute dans le cas le plus défavorable, c'est-à-dire au passage de la 7e à la 8e vitesse, un coup de frein absorbe
116 (17+ 1,8) = 2 180 kgm
Le frein présentant 20 dm2 de garniture, il est permis de donner :
20 000 000 x 20 / 2 180 = 183 500 coups de frein, soit a raison de 60 par heure : 183 500/ 60 = 3 060 heures.
On voit clairement, qu'il n'y a pas de problème du frein.
source : Revue Générale des Chemins de Fer, Juin 1957