Dénommé type 42 par les C.F.D., le prototype, portant ce numéro pour l'exploitation, était en fait le modèle 83 du constructeur : la Société Alsacienne de Constructions Mécaniques (SACM) à Belfort.
La Compagnie avait décidé d'expérimenter deux nouveaux types de locomotives :
l'un à essieu porteur à l'avant (type 49, baptisé « Charente » par les CFD, ayant déjà fait l'objet d'une description dans l'article locomotive type Charente),
l'autre à deux groupes articulés de deux essieux, dénommé « type 42 » par la compagnie, en raison de l'immatriculation du prototype, commandé à la S.A.C.M. de Belfort, en 1889, et tête de série de 7 unités identiques. Par la suite, cette série fut communément appelé « type compound » par les réseaux utilisateurs.
Ce modèle, objet du présent paragraphe, était du type Mallet à système de fonctionnement compound. Il était caractérisé par l'emploi d'un avant-train moteur précédant un groupe fixe d'essieux également moteurs. Le pivot de l'avant-train moteur se trouvait entre les cylindres du train fixe. De chaque côté de ce pivot, des bielles verticales reliaient l'arrière du boggie mobile à l'avant du boggie fixe. Ces bielles équilibraient le poids des cylindres, placés en porte-à-faux à l'avant et servaient également de système de rappel, pour ramener le groupe mobile dans sa position à la sortie des courbes.
Description de la locomotive à deux groupes articulés de deux essieux : type 42
Ces machines étaient dotées d'une chaudière de 89 tubes de diamètre 0,045 met longs de 3,34 m donnant une surface de chauffe de 46,49 m2, à peu de chose près comparable au type 49, mais pour un nombre moins élevé de tubes. Composé de trois viroles, le corps cylindrique portait sur la seconde le dôme de vapeur équipé de soupapes à balance et le réservoir à sable sur la troisième. Cette chaudière, à porte de boîte à fumée ronde, reposait sur les deux boggies dont le fixe portait une paire de petits cylindres (dits d'admission ou HP.) et le mobile une paire de grands cylindres (dits de détente ou BP).
Dans le fonctionnement compound, la vapeur agissait directement dans les cylindres HP et ensuite par détente dans les cylindres BP. Il était également possible d'admettre la vapeur directement dans les cylindres BP en marche à simple expansion, ce qui permettait au démarrage, d'augmenter l'effort de traction et par suite, d'accélérer la mise en marche.
Les avantages de ces machines type 42
Les avantages de ce type de machines étaient les suivants :
Utilisation plus complète de la puissance de la vapeur par l'emploi d'une détente prolongée.
augmentation importante de l'effort de traction par l'utilisation maximum du poids adhérent égal au poids total de la machine.
facilité de passage dans les courbes de très faible rayon par suite de l'emploi de deux boggies, donnant plus de souplesse à la machine.
Ces avantages, fort appréciés par les C.F.D., en raison de l'économie notable de traction procuré sur les lignes accidentées à trafic important, étaient malgré tout diminués par un entretien plus coûteux.
Leurs roues de 0,900 m de diamètre ne leur permettaient pas de pratiquer de grandes vitesses, mais leur effort de traction étant presque le double de celui du type 49 leur donnait la possibilité d'assurer la traction de lourds convois. Aux essais, effectués sur les lignes de Château-Landon et du réseau Sud d'Indre- et-Loire, en 1889, la machine prototype remorqua un train de 70 t à la vitesse de 34 km/h en rampe de 20 °l°°. Cette vitesse pu être maintenue sur une distance de 13 km, dans ces conditions, le 6 mai 1889, entre Ligueil et Loches.
L'abri, complètement fermé, était doté, sur la face avant de deux hublots rectangulaires à visière et d'une large ouverture sur la face arrière, obturée par la suite au moyen d'un châssis vitré. Les unités composant les deux sous-séries se distinguaient par la présentation différente de la face arrière de leur abri :
sur les machines 42-48, celle-ci possédait un pan coupé.
sur les unités 63-64, elle était droite et la face avant avait été légèrement ripée vers les caisses à eau afin de conserver le même volume à l'habitacle.
La livrée primitive était de couleur noire uniforme. Seules les traverses avant et arrière étaient peintes en rouge vermillon et l'immatriculation en caractères blancs se matérialisait par la mention « N » à gauche et les chiffres à droite du tampon central. En outre, deux plaques ovales étaient fixées sur les caisses à eau à l'emplacement habituel, l'une portant les indications de construction, l'autre le nom de la compagnie et le numéro de la machine.
Par la suite, certaines unités employées en Seine-et-Marne, en particulier la n° 43, reçurent une livrée deux tons : grise sur les caisses à eau et le bas de l'abri sous la ceinture et noire pour le reste de la machine.
Livraison et affectations de la locomotive à deux groupes articulés de deux essieux : type 42
Le prototype n° 42 fut livré le 28 septembre 1888 à Egreville pour y pratiquer des essais de traction au cours de la campagne betteravière. Employé intensivement sur la section d'Egreville à Souppes et à l'embranchement de la Sucrerie Ouvré à Montuffé, il remorqua la majorité des convois betteraviers où il rendit des services comparables à ceux de deux unités du type « Yonne ». Devant ces excellents résultats, la Compagnie décida de compléter la série par deux engins supplémentaires, destinés à compléter le parc du dépôt d'Egreville et de libérer ainsi deux machines « Yonne » pour armer les lignes du réseau Sud d'Indre-et-Loire. Toutefois, les C.F.D., avant d'opérer cet échange, expédièrent la 42 à Ligueil, le 30 avril 1889, pour y pratiquer des essais. Ceux-ci furent jugés très satisfaisants, mais le trafic ne justifiant pas l'emploi de ce type de machine, cette dernière fut retournée à sn dépôt d'origine, le mois suivant.
Initialement prévu pour l'équipement des lignes de la Haute-Loire et de l'Ardèche, le reste de la série fut partagé entre les dépôts d'Egreville (n° 43 et 44) et d'Yssingeaux (n° 45 et 48). Toutefois, en raison du fort trafic prévu pour la campagne betteravière de 1890, la machine n° 45 fut livrée à Egreville le 20 août 1890 et utilisée en renfort jusqu'au 24 décembre de la même année, date de son transfert à Yssingeaux.
Les deux unités supplémentaires, immatriculées 63 et 64, destinées à remplacer les machines n° 43 et 44 distraites de leur destination initiale, furent livrées l'année suivante au dépôt de Tournon. La locomotive n° 64 fut, comme la 45 et pour les mêmes raisons, détachée temporairement au dépôt d'Egreville du 23 septembre au 8 décembre 1891, avant de rejoindre son affectation définitive.
Les différentes mutations
Certaines unités firent l'objet de mutations au fur et à mesure des besoins en renfort de certains dépôts :
la 43 fut détachée au dépôt de La Voulte- sur-Rhône du 1er juillet 1901 au 5 décembre 1904 où elle parcourut 19.244 km, puis mutée à Chablis de cette date au 8 août 1906 où elle y effectua 4 703 km et enfin, rapatriée à Egreville.
la 44 quitte Egreville le 17 août 1905 pour Montmirail où elle parcourut 12.032 km jusqu'au 2 février 1907, date de son transfert à Mortcerf. Elle effectua sur cette ligne un parcours de 4.596 km et rejoignit Egreville le 8 septembre 1910.
la 48 fut mutée à Saint-Jean-d'Angély le 15 octobre 1907 pour remplacer la Couillet n° 11 et attachée à l'annexe traction de Ferrière d'Aunis. Au cours de son acheminement, en double traction avec une 130 « type G », elle fut victime d'une collision au PK 46,9 entre Le Gué-d'Alleré et Landes-Torxé au train n° 43. Après remise en état par le petit atelier de Ferrière d'Aunis, elle ne put assurer son service sur la ligne d'Epannes que le 9 novembre 1907. Elle y parcourut 56.463 km jusqu'au 12 décembre 1914, date de son retour au Cheylard, après échange avec la locomotive n° 62. Elle fut réquisitionnée le 30 juin 1943 par l'Organisation TODT pour être employée sur le réseau du Littoral des Chemins de Fer de Provence. Elle ne fut retournée au Cheylard qu'en 1946, en fort mauvais état. Garée, en attente de R.G., elle ne fut finalement pas remise en service et fut vendue comme ferraille l'année suivante.
la 64 fut détachée au dépôt de Florac du 18 février 1916 au 18 mai 1919 pour y remplacer la machine n° 251 réquisitionnée pour les besoins de la Défense Nationale.
TABLEAU DE LIVRAISON DES LOCOMOTIVES COMPOUND TYPE 42