Les locomotives diesel pour l'exploitation des lignes secondaires
L'exploitation des lignes secondaires est généralement considérée comme responsable d'une partie du déficit des chemins de fer, encore que certains auteurs aient attiré l'attention sur leur rôle dans le trafic qu'emprunte les lignes principales.
Une solution d'engins de traction qui réduiraient le déficit des chemins de fer
L'objet de la présente note est de montrer comment des engins de traction appropriées doivent permettre de réduire sur ces lignes secondaires le prix de revient de la tonne kilométrique.
La Compagnie de Chemins de fer Départementaux a eu ce problème à résoudre ; ses recherches et son expérience l'ont amenée aux conclusions suivantes :
Il est nécessaire que les engins de traction des lignes secondaires soient d'un prix d'achat assez bas pour qu'ils puissent être amortis rapidement, en 10 ans environ. En effet, l'évolution de la technique est telle qu'en 10 ans le matériel risque de devenir désuet techniquement ou économiquement, surtout si on le compare au matériel concurrent utilisé pour les transports sur route qui, s'amortissant vite, se renouvelle et se perfectionne sans cesse.
Un succès qui se doit à la simplicité
Pour obtenir ce résultat, il est indispensable d'utiliser dans la construction de ces engins le plus possible de matériel de série et de ne rechercher que des solutions simples.
Ce qui fait le succès des transports sur route c'est la simplicité des moyens employés ; les fabricants de matériel routier ont fait leur fortune et celles de leurs clients, grâce à cette formule. Par exemple, malgré toutes les solutions ingénieuses qui ont été proposées pour transmettre aux roues l'effort moteur, la plupart des camions de fort tonnage qui actuellement font sur de longs itinéraires une si rude concurrence au chemin de fer, ont des boîtes de vitesses démunies de synchroniseurs. Le conducteur doit faire le double débrayage lorsqu'il change de vitesse. Et pourtant ce sont ces solutions simples, mais bien au point et pratiques qui portent au chemin de fer, dont maintes réalisations techniques sont incomparablement plus belles, les coups dont il souffre présentement.
Cet exemple montre que le problème n'est pas de réaliser des performances techniques mais de construire avec des moyens simples et honnêtes un matériel assez bon marché et d'un entretien qui soit au niveau de celui qu'on peut attendre d'un bon garage.
La réalisation du tracteur Diesel 400ch
C'est pour atteindre ce but que la Compagnie de Chemins de fer Départementaux a, pour réaliser des tracteurs Diesel de 400ch, 34 tonnes, été conduite à les faire bimoteur (Fig. 1).
Elle a utilisé pour les équiper un moteur parmi les plus puissants qui soient, en France, construits en série « automobile » : le moteur 200ch Willème 8 cylindres Diesel.
Le choix d'une transmission mécanique
Elle a adopté la transmission mécanique et ici il convient de justifier ce choix :
La transmission mécanique est la plus simple, la moins lourde, la moins chère, et la plus facilement réparable. Mais pour convenir à la traction sur voie ferrée, elle doit être bien adaptée, bien au point et pour cela ne doit pas être de trop grande puissance. Pour 200 à 300ch elle est aujourd'hui réalisable et la transmission choisie a été longuement éprouvée puisque les premiers exemplaires de ce type ont été montés Il y a 10 ans sur des tracteurs monomoteur 200ch.
La transmission mécanique n'est peut-être pas dans tous les cas celle qui permet de réaliser les meilleures performances mais, nous l'avons dit, là n'est pas le problème, par contre, c'est celle qui a le meilleur rendement. Si elle ne permet pas d'utiliser en toute circonstance la totalité de la puissance, elle a du moins l'avantage de ne consommer de carburant et de n'user le moteur qu'en fonction de la puissance réellement fournie. Et à ce propos il convient de rappeler une notion trop souvent perdue de vue : tout moteur est capable de fournir un nombre de kilogrammes-mètres d'autant plus important qu'on ne les lui demande pas en un temps trop court, autrement dit, plus on lui demande souvent une puissance élevée, moins il fournira de travail entre 2 révisions.
Si on diminue le rendement d'une transmission par exemple de 10% on ne se borne pas à augmenter la dépense de combustibles de 10% : les chevaux supplémentaires qu'absorbe la transmission sont ceux qui fatiguent le plus le moteur, ils sont donc, et de loin les plus onéreux.
Si les autres types de transmission électriques ou hydrauliques, à moins bon rendement, permettent d'utiliser à tout moment la totalité de la puissance des moteurs, cet avantage n'est obtenu qu'en accélérant leur usure. Les chevaux ainsi gagnés ne parviennent d'ailleurs pas complètement à la jante : ils sont absorbés par la transmission au point qu'il faut prévoir, pour la refroidir, des installations capables d'évacuer autant de calories qu'en évacuent les radiateurs du moteur.
Les véritables griefs faits à la transmission mécanique sont :
dimensions excessives pour les grandes puissances ;
à coups aux changements de vitesse.
Pour y répondre, on a divisé le flux moteur sur plusieurs groupes motopropulseur de moyenne puissance et on a, grâce à une commande à air automatique, alterné le passage des vitesses sur ces différents groupes.
La commande pneumatique qui a été réalisée, tout en restant simple, donne une bonne souplesse, une traction continue pendant les changements de vitesse et la conduite en est aussi facile que celle d'une transmission électrique.
Cette commande pneumatique et le fait de choisir moteurs et transmissions n'excédant pas une puissance unitaire de plus de 200 à 300ch, permettent de construire avec les mêmes éléments de dimensions raisonnables, des tracteurs plus puissants, comme nous le verrons plus loin.
source : Extrait de la Revue Générale des Chemins de fer N° de Septembre 1950