- (1) « Les Chemins de Fer à faible trafic », Librairie polytechnique Baudry et Cie (1888).
- (2) Puissent les revues ferroviaires faire preuve, dans leur domaine, de la même sagesse !
Dès l'origine, les C.F.D. se trouvèrent en compétition avec la Société Générale des Chemins de Fer Economiques (S.E.), fondée à la même époque pour le même objet. Ces deux Compagnies se firent d'emblée une âpre concurrence pour l'obtention de leurs premières concessions, puis, ainsi que le fait remarquer A. Sampité (1), « elles ont cessé de se faire la guerre, en reconnaissant qu'il y avait en prévision pour chacune d'elles plus de concessions qu'elle n'en pouvait prendre » (2).
Les premières concessions obtenues par les CFD
1882 : concession de la ligne de Port-Boulet
La première concession obtenue par les C.F.D. fut celle de la ligne de Port- Boulet à Château-Renault (Indre-et-Loire) en vertu de la loi du 26 septembre 1882. Cette opération dénota l'impatience des demandeurs, l'intérêt de l'affaire étant sans rapport avec les sacrifices consentis pour l'obtenir.
1883 : Concession de deux lignes à voie normal
L'année suivante, la Compagnie se rendit concessionnaire de deux lignes à voie normale dans le département de la Manche, de Valognes et de Montebourg à Barfleur (loi du 9 février 1883). Ce fut longtemps le seul chemin de fer à écartement standard exploité par les C.F.D. qui manifestement n'avaient pas vocation pour cela. En 1926, la Compagnie se sépara de ce réseau qui fut racheté par le département.
Cette même année 1883 fut également marquée par une convention signée le 20 juin avec le département de l'Indre pour la concession d'un réseau de 232 km. Mais le Conseil général des Ponts et Chaussées ayant demandé des modifications fondamentales au projet, le Conseil général de l'Indre, en séance du 22 août 1884, déclara nulle et non avenue la convention passée avec les C.F.D.
Une compagnie en plein essor aux multiples concessions
C'est en 1885 que les affaires de la Compagnie prirent réellement de l'envergure. Les lois des 17 janvier, 12 et 17 août la rendirent concessionnaire respectivement dans l'Yonne, de la ligne de Laroche à L'Isle-Angély, en Seine-et-Marne, de celles de Montereau à Château-Landon et de La Ferté-sous- Jouarre à Montmirail, et en Indre-et- Loire, de celles du Grand-Pressigny à Esvres et de Ligueil à Montrésor. De plus, la loi du 19 décembre lui confia le parachèvement de la construction et l'exploitation du réseau corse composé des lignes d'intérêt général d'Ajaccio à Bastia, de Ponte-Leccia à Calvi et de Casamozza au Fium'Orbo.
Cet essor se poursuivit en 1886, année durant laquelle on note la loi du 7 juillet concédant aux C.F.D. la ligne d'Angoulême à Rouillac (Charente) et celle du 27 juillet par laquelle la Compagnie obtint la concession des voies ferrées d'intérêt général qui allaient être l'amorce de l'important réseau du Vivarais : La Voulte-sur-Rhône au Cheylard, Tournon à Lamastre (Ardèche) et La Voûte-sur-Loire à Yssingeaux (Haute-Loire).
A cette époque, 840 km de chemins de fer, dont 527 en exploitation, composaient le champ d'action de la Compagnie.
L'activité des C.F.D., tant au titre d'exploitants qu'au titre de constructeurs, était donc considérable. Malgré cela, ils acceptèrent, en cette même année 1896, l'exécution d'un chemin de fer à voie de 1,05 m d'une longueur d'environ 200 km, de Mostaganem à Tiaret, pour le compte de la Compagnie Franco-Algérienne.
Une période d'interruption aboutissant à un fort croissement
On observe ensuite un temps d'arrêt dans l'obtention de concessions nouvelles et ce n'est qu'en 1891 qu'une loi, en date du 5 janvier, accorda à la Compagnie la ligne de Digoin à Étang- sur-Arroux, en Saône-et-Loire.
Deux ans plus tard, 1893 marqua un accroissement important du domaine ferroviaire des C.F.D. La loi du 28 mars les rendit concessionnaires de trois lignes d'intérêt général rayonnant autour de Saint-Jean-d'Angély, vers Marans, Cognac et Civray et celle du 4 juillet suivant leur accorda le prolongement jusqu'à Matha du chemin de fer d'intérêt local d'Angoulême à Rouillac.
Quatre ans après, la loi du 28 février 1897 augmenta cet important réseau, couvrant les départements des Charentes et Deux-Sèvres, de la relation de Ferrières-Courçon à Épannes, tandis que celle du 28 juillet 1897 ajoutait l'antenne de Toulon-sur-Arroux à Bour- bon-Lancy à la ligne de Digoin à Étang.
L'année suivante, les lignes éparses des départements de l'Ardèche et de la Haute-Loire furent reliées entre elles au moyen des sections du Cheylard à Yssingeaux, de Lamastre au Cheylard et de Brossettes à Dunières, concédées par la loi du 25 mars 1898 qui instaura un ensemble cohérent de 205 km.
Puis, le domaine des exploitations de la Compagnie en Seine-et-Marne s'accrut par la rétrocession, en vertu de la loi du 14 janvier 1899, du chemin de fer de Lagny à Mortcerf.
Plus importante fut la concession, en Lozère, de la ligne de Sainte-Cécile-d'Andorge à Florac, prononcée par la loi du 18 avril 1904.
Il faut ensuite attendre 1910 pour noter une nouvelle extension, grâce à la loi du 30 mars qui vint compléter le réseau charentais par la section de Saintes à Burie.
Puis, la loi du 1er octobre 1911 concéda le prolongement de la ligne orientale du réseau corse de Ghisonaccia à Porto-Vecchio. La construction de cette section ne sera toutefois entreprise qu'après la guerre de 1914- 1918 et, par suite de divers contretemps, ne pourra être achevée qu'en 1930 pour le tronçon de Ghisonaccia à Solenzara et en 1935 pour celui de Solenzara à Porto-Vecchio.
La concession avant-guerre
La dernière concession obtenue avant la première guerre mondiale fut celle de la ligne du Cheylard à Aubenas accordée par la loi du 9 août -913 Mais ce chemin de fer d'intérêt général de 63 km, dont l'exécution n'était pas entreprise au début du conflit, ne fut jamais réalisé en raison des bouleversements économiques qu'il entraîna.
En 1914, la Compagnie exploitait 1 496 km de voies ferrées, dont 782 d'intérêt général et 624 d'intérêt local, auxquels vinrent s'ajouter les 21 km de la ligne de Saintes à Burie, qui ne furent livrés au trafic que le 15 janvier 1915.
L'organisation et l'exploitation des premiers réseaux de la Compagnie.
L'administration centrale : comité de direction, chefs des services de l'exploitation, du matériel et de la traction, de la voie et de la construction, de la comptabilité générale, etc., était à Paris ; mais l'extension progressive de l'activité de la Compagnie nécessita bien vite la présence sur chaque ligne ou groupe de lignes d'un échelon d'encadrement local dont les bureaux se situaient généralement à mi-parcours des lignes isolées ou au point de jonction des groupes de lignes. Là étaient aussi le dépôt principal et les ateliers.
Localement, les chefs d'exploitation, dont les titres étaient en rapport avec l'importance des réseaux ou lignes placées sous leur autorité et allaient de « directeur de l'exploitation » pour le réseau corse à « chef de gare principal » pour la ligne de Lagny à Mort- cerf, en passant par « ingénieur », « inspecteur » et « sous-inspecteur », étaient responsables, devant l'administration centrale, de leur gestion technique et commerciale.
Les réseaux les plus bénéfiques
En ordre décroissant, les trois réseaux les plus rémunérateurs étaient ceux de Corse, du Vivarais et de Saône-et-Loire. Bien que le coefficient d'exploitation de l'ensemble des lignes soit assez élevé et atteigne 0,9, les conditions financières dont étaient assorties les diverses concessions, laissaient à la Compagnie des revenus satisfaisants.
Cette prospérité lui permit d'instaurer, le 1er janvier 1894, une caisse de retraites au bénéfice de ses agents dont les salaires n'excédaient pas un certain niveau. Chaque année, des prélèvements effectués sur les fonds sociaux de la Compagnie étaient versés sur les livrets des intéressés, sans qu'aucune contribution personnelle ne leur soit demandée. Les livrets restaient la propriété des agents, même dans le cas où ils quittaient la Compagnie.
source : MTVS 1981-3